Maître Akeji

Maître Akeji Empreintes d'artistes 2019
Photos : Hervé Desvaux
Akeji senseï est né à Kyoto, en 1938, à Uchino, sur les lieux d'un ancien palais impérial détruit, à l'exemple de certains maîtres spirituels, sa vie, entourée de mystère, ne se réduit pas à une série de repères événementiels, mais se compose d'une succession d'initiations.

À partir de l'âge de 3 ans, il est placé chez un de ses grands-pères, qui vit dans la montagne de Kuramayama. Celui-ci l’initie dès son plus jeune âge aux Budo et le sensibilise à l'Art du pinceau.

Plus tard, il approfondit le bouddhisme, étudie et pratique le Zen. Adolescent, entamant un sorte de Musha-Shugyo, il est accueilli dans des sanctuaires shintô, des servants de sanctuaires shinto lui enseignent la pharmacopée traditionnelle, le pouvoir des « simples ». Étudiant les traditions les plus anciennes du Japon, il en vient à se familiariser avec les pratiques chamaniques.

Il va également à la rencontre de la pensée occidentale en achevant ses études à l'université de Kyoto ou il y termine son droit. Puis, il s'inscrit à l'université de Shimane où il étudie la chimie et les sciences-naturelles. Ses goûts et sa curiosité le poussent vers une synthèse entre les disciplines orientales et les sciences occidentales, dans une sorte "d'humanisme Orient-Occident ".

A moins de 30 ans, jeune diplômé alors qu’il vit retiré dans les montagnes d'Izumo, il répond à l’appel du Premier ministre d'alors, Ichirô Hatoyama, qui le fit ensuite entrer dans un groupe de réflexion sur l’avenir du Japon.

En 1965, suite à l’annulation d’une conférence Afrique-Asie à Alger il se rend en France, où il reviendra plusieurs fois à l'occasion de présentations de ses œuvres, ainsi qu’au Liechtenstein, en Espagne et en Allemagne.

Aujourd'hui, Akeji vit et travaille à Kyoto. Il habite au nord de l'ancienne capitale, à Himuro, hameau reculé accroché aux flancs du Kuramayama, dans un ancien refuge forestier où les bûcherons venaient s'abriter. Avec son épouse, il y mène une vie retirée, presque totalement en autarcie.

« A l’origine, au Japon, avant l’arrivée des « senjimon » (mille caractères importés de Chine). il n’ y avait pas d’écriture en tant que telle sur l’archipel. Il n’y avait que quelques idéogrammes eux aussi importés. Ainsi le caractère « champ » les gens n’imaginaient pas l’image d’un champ, en le voyant ils pensaient que ce caractère contenait une force. Alors ils l’inscrivaient sur des planches de bois, puis l’enterraient dans leurs champs pour avoir de bonnes récoltes. Les écrits n’étaient pas destinés à la lecture mais plus comme des signes magiques. En poussant dans cette direction les écritures concrètent usuelles n’ont plus de sens. Elles sont de ce point de vue abstraites et illisibles. Mon travail se situe dans cette perspective, ma calligraphie est une tentative de faire revivre ces écritures oubliées. Je calligraphie leur sens aujourd’hui perdu. Les mots et les langages changent et disparaissent à gré des époques. Il est parfois nécessaire de les ressusciter.

J’ai personnellement il y a 30 ans ramené à la vie le mot MONO NO KE « 物 の 怪 » (l'esprit des choses), que seuls les spécialistes connaissaient et dont on a fait un film depuis : (il s’agit bien-sur du succès international "Princesse Mononoké" du célébrissime Hayao Miyazaki ami d'Akeji, qui à relancé ce mot dans le langage contemporain) J’utilise des mots qui ne sont plus utilisés à dessein, notre époque en a besoin. Même si leur sens n’est plus compris, il est important qu’on les ressente, qu’on les contemple. Il n’est même pas nécessaire de les lire.

Lorsque je m’apprête à calligraphier, je manipule le papier avant de l’utiliser, pour lui faire faire du bruit afin que mon âme y pénètre. Je le vénère et le traite comme s'il était un sabre. La Voie de l’encre et la Voie du sabre nécessitent toutes deux un mouvement perpétuel d’aller vers l’Infini et de retour au Centre. »