Dominique Leroy

Dominique Leroy Empreintes d'artistes 2019Artiste sonore et concepteur de projets collaboratifs, Dominique Leroy vit à Nantes et travaille dans les paysages de divers “territoires sentinels” (Estuaire de la Loire, parcs naturels Alpins, campagne Tchèque, centres de permaculture Californiens…). En 2016, il co-fonde (n) avec Marina Pirot avec qui il explore les qualités vibratoires des paysages par une approche croisant pratiques sonores et somatiques. Il a auparavant participé à de nombreuses résidences de recherche et expositions, contribué à de nombreux projets collectifs : expérimentations et interventions d’Apo33 /Arts électroniques, numériques et sonores; Crealab et Lab2lab avec Ping de 2005 à 2010, puis fondé et développé Ecos /Art et écologie urbaine de 2006 à 2016. Il travaille aujourd’hui en réseau avec de multiples structures (laboratoires culturels associatifs, laboratoires de recherches universitaires), collaborateurs français et étrangers (techniciens, scientifiques, critiques, historiens, artistes) ; il réalise la plupart de ses créations avec Jef Rolez fondateur du hacklab SNhack installé à Saint-Nazaire. Les recherches, expérimentations, captations, installations sonores de Dominique Leroy explorent la pluralité d’un milieu, d’un environnement de vies en y associant diverses composantes comme la technologie, l’architecture, le développement urbain, l’économie, les réseaux de communication, les flux numériques, biologiques, etc. Ses projets sonores procédent de la transduction de données et inventent un nouveau rapport au paysage par ce qu’il définit par “écoute contact”. Dominique Leroy invite souvent à traverser cette multiplicité du réel, en immersion subtile et poétique, comme un nouvel espace-temps à explorer mêlant ces différentes échelles.

Sans espace, le son n’existe pas, il ne s’effectue pas. L’art sonore est aussi – et peut-être avant tout – un art de l’espace et c’est par le traitement du son que Dominique Leroy aborde le spatial. Par le recours à des légers décalages, à d’infimes variations, la mise à distance s’opère, les formes de restitutions auditives sont déconstruites, requalifiées, dé-standardisées, et c’est tout un pan du système de perception qui s’en trouve modifié. S’attachant à une lecture potentielle des lieux, les pièces de Dominique Leroy sont toujours en contexte, elle prennent place dans un milieu. Considéré comme une ressource mouvante – l’espace, qu’il soit construit ou social, ne peut être que dynamique –, il n’est jamais perçu comme une unité cohérente a priori mais bien comme un agrégat de données à mettre en forme. Le vocabulaire qu’échafaude l’artiste hérite d’une appréhension altérée de nos environnements, le sens est à construire. L’information, captée et combinée au travers d’agencements exfiltrés de la production en série, contient une puissance, intacte, à interpréter. Le travail de Dominique Leroy tend à s’affranchir de tout cadre structurant préexistant et en fabrique de nouveaux, mais libérés de leur nature prescriptive, il revient au spectateur de les co-construire. La production de points de bascule, de ceux qui libèrent l’action et proposent au spectateur de s’émanciper par la configuration même qui aura produit son aliénation – technologique, mais aussi sociale et politique -, est un projet artistique en propre. Dominique Leroy travaille à la fabrication de ces points, de ces moments où émergent des potentiels. En rendant possibles une ouverture dans des agencements clos – notamment les systèmes d’information – il opère une prise là où les architectures lisses n’offrent pas d’altération. Ce faisant, il impulse des écarts à la norme, et non content, s’escrime à les faire germer, à les multiplier en les rendant perméables à l’expérience de ceux qui les observent. Ménager de possibles espaces de reconfiguration des activités de nos contemporains relève bien d’un programme global où l’écologie – dans son acception élargie – demeure, sinon un axe fort, tout au moins un régime de présence au monde.
Guillaume Ertaud